Dans deux semaines sort en librairie une nouvelle adaptation du célèbre texte de James Matthew Barrie :
C'est Maxime Rovère qui traduit et adapte cette histoire pour les éditions Milan.
Un album qui s'ajoute aux autres titres de leur collection de grands classiques.
64 pages, grand format, grand texte, grandes illustrations...
C'est le plus long projet que j'ai fait à ce jour !
On devait déjà à cet auteur la traduction française du texte intégral aux éditions Rivages.
Cette fois, le texte est adapté dans une version plus courte, avec beaucoup de talent. Réussir à garder tout l'esprit, le style, l'ironie de James Matthew Barrie dans une version écourtée relevait de l'exploit...
Le résultat a dépassé toutes mes attentes ! Je suis vraiment heureuse d'avoir pu illustrer cette adaptation de Maxime Rovère.
Cela faisait plusieurs années que j'avais envie
d'illustrer cette histoire. Le personnage de Peter Pan me fascine. Il
est aussi culte et symbolique qu'un mythe grec, qu'une légende ancienne.
On le croirait issu de plusieurs siècles de tradition de littérature
orale, et on ne doit pourtant son existence qu'à un seul homme, un
écossais né en 1860.
Ma fascination pour Peter Pan se
mélange avec celle que j'ai pour son auteur. Vous connaissez peut-être
déjà la vie de James Matthew Barrie, mais si ce n'est pas le cas, je me
permets d'en écrire les grandes lignes plus bas, en citant des passages
entiers de la préface de Maxime Rovère, ainsi que des lignes écrites par
Céline-Albin Faivre (qui a pour sa part traduit plusieurs œuvres de
J.M. Barrie et nous en apprend aussi beaucoup sur l'auteur dans ses
préfaces).( Comme j'en ai pris l'habitude, j'accompagne les peintures des crayonnés n&b, et je montrerai plus tard les recherches, Peter a beaucoup changé d'aspect entre les premiers croquis et cette illustration !)
J'ai redécouvert l'histoire de Peter Pan en lisant la pièce de
théâtre que Barrie avait écrite dans un premier temps. Avant d'être un
roman, l'histoire était pensée et écrite pour être jouée sur les
planches. Elle a d’ailleurs été jouée à de très nombreuses reprises avec
grand succès. La première représentation eut lieu à Londres en 1904.
Cette pièce fait de Barrie, en 15 ans à peine, un auteur mondialement
connu. C'est cette version que j'aime plus que tout. L'auteur avait
ensuite écrit le roman " Peter et Wendy" ( version la plus connue, qu'on
appelle simplement Peter Pan).
Pour écrire le roman, Barrie avait développé l'histoire, ajouté des détails et autres réflexions. Bien que chaque ligne soit savoureuse, je préfère tout de même la version pour le théâtre, à la fois plus brute et plus épurée.
Pour écrire le roman, Barrie avait développé l'histoire, ajouté des détails et autres réflexions. Bien que chaque ligne soit savoureuse, je préfère tout de même la version pour le théâtre, à la fois plus brute et plus épurée.
Je voulais à
tout prix illustrer la pièce de théâtre, et je pensais commencer à
démarcher des éditeurs jeunesse pour proposer le projet, quand j'ai
appris que les éditions Milan travaillaient sur une adaptation du roman
avec Maxime Rovere.
J'ai littéralement supplié les
éditrices de m’offrir ce texte... Et me voilà qui travaillais dessus
quelques semaines plus tard. Cette adaptation, en épurant le récit sans
en retirer l'esprit se rapproche, selon moi, du texte initial de Barrie
pour le théâtre. Exactement ce que je voulais. Comme j'étais gâtée
d'avoir un texte qui m'emballe tant, je n'ai pas compté les heures
passées sur les dessins et peintures de cet album...Je trouve d'habitude que c'est trop pompeux de montrer ses propres images en pas à pas. Mais j'ai travaillé pour cette couverture de manière particulière, zone par zone, feuille par feuille, parce que je voulais que les végétaux aient des formes très découpées, tranchantes. Du coup je trouvais sympa, avant de tout remplir, de voir les formes dentelées des pleins et des vides, et le changement d’ambiance que ça fait. (Hum, en fait c'est tout aussi pompeux d'en dire ça... )
Si vous voulez découvrir la version française du texte original de la pièce de théâtre, elle est éditée chez Terre de Brume : http://www.terredebrume.com/
C'est le seul éditeur qui a publié cette version traduite en français. Elle est en rupture, mais normalement très prochainement réimprimée.
(Pour les lyonnais impatients, il y a un exemplaire à la bibliothèque de la Part Dieu...)
Il existe aussi une super version radiophonique : http://fictions.franceculture. fr/emission-archives-des- fictions-de-france-culture- peter-pan-ou-le-garcon-qui-ne- voulait-pas-grandir-1
Je n'imagine pas la voix de Peter ou le chant des pirates différemment ! J'adore cette adaptation.Pour l'anecdote :
"En 1921 Charlie Chaplin rendit visite au
dramaturge James Matthew Barrie qu'il vénérait. Il lui avoua qu'il
regrettait de n'avoir pu être l’interprète à l'écran de Peter Pan." ( F.
Rivière)
Je dois dire que moi aussi, je regrette que ça ne soit pas arrivé !
James Matthew Barrie
"Le
père de Peter Pan est né en 1860, neuvième enfant du tisserand David
Barrie et Margaret Ogilvy. Sa modeste famille vivait dans les quartiers
populaires du village de Kirriemuir, en Écosse. James en était le
troisième garçon. Le frère aimé, David Barrie Junior, portait sur ses
épaules les espoirs d'ascension sociale de la famille et une grande
partie de l'affection de sa mère.
Hélas, en janvier 1866,
quelques jours avant ses quatorze ans, il eut un accident de patinage et
mourut brutalement. Le deuil frappa très durement sa mère, mais aussi
son jeune frère. James, alors âgé de six ans, raconte avoir tout fait
pour compenser cette disparition, allant jusqu'à porter les vêtements du
défunt, à imiter son sifflement, jusqu'au point où sa mère, l'entendant
rentrer demanda un jour :
"Est-ce toi ?" et Barrie répondit : " Non ce n'est pas lui. Ce n'est que moi." ( citation Maxime Rovère)
Sans vouloir me lancer dans une analyse
psychologique à deux sous, il y a déjà selon moi un contexte qui -a
posteriori - favorise la création d'un personnage comme Peter Pan.
Peter Pan est un garçon qui s'est arrêté de grandir.
La mort brutale d'un enfant l'empêche de grandir, il garde pour toujours l'âge qu'il avait à sa mort. David aura toujours 13 ans dans la mémoire de sa famille.
La mort est un thème très présent dans
l’œuvre Peter Pan. La peur de la mort se mêle avec la peur du temps qui
passe, symbolisée de manière évidente avec le crocodile qui a dans son
ventre une horloge, dont le "tic-tac" terrifie Crochet au plus haut
point, jusqu'à ce qu'il s'y soumette quand il sent que son heure est
arrivée. Je trouve aussi que Peter a quelque chose d'un fantôme, figé au
même âge dans son pays du Jamais. Dans la pièce de théâtre, il y a une
multitude d'indications pour la mise en scène qui sortent parfois de
leur rôle purement informatif. L'une d'elles indique que Peter n'a pas
de poids, il ne pèse rien.La mort brutale d'un enfant l'empêche de grandir, il garde pour toujours l'âge qu'il avait à sa mort. David aura toujours 13 ans dans la mémoire de sa famille.
À l'inverse, les enfants perdus et Peter n'ont pas
un rapport conflictuel avec le temps qui passe. Comme tous les enfants,
la notion du temps n'est pas encore bien installée. Une éternité ou une
semaine, c'est presque pareil. De même, la mémoire est courte, les
émotions ne durent pas longtemps et sont vite balayées par de nouvelles
aventures. On sent une réelle fascination de l'auteur sur ce
comportement infantile : un rapport radicalement différent au temps et à
la mémoire, qu'on ne peut plus ressentir à l'âge adulte.
"
Contrairement à la rumeur, Barrie n'était pas un enfant éternel et
n'aspirait pas à l'être. Ce n'était pas un homme demeuré enfant , un
pitoyable petit homme qui n'aurait pas eu la force de surmonter certains
traumatismes ou le courage de grandir - un être infantile et
irresponsable, en somme. C'est même tout le contraire : Barrie était un
homme qui aurait aimé être un enfant, à l'âge où il aurait pu l'être." (
citation Céline-Albin Faivre)
On voit bien dans ses textes et sa biographie une
réelle fascination pour l'enfance, le mode de fonctionnement de
l'enfant, à la fois imaginatif, spontané et cruel. Le roman de Peter Pan
se termine par : " ...aussi longtemps que les enfants seront joyeux,
innocents et sans cœur." Une telle fascination vue de l’extérieur n'est
pas possible pour quelqu'un qui serait resté un enfant. Mais ce qui est
beau avec Barrie, c'est que son regard ironique sur le monde des adultes
semble lui aussi venir l'extérieur.
Il faut dire que si Barrie n'est pas un enfant éternel, on ne peut pas parler d'un adulte ordinaire.
Il
s'est arrêté de grandir tôt, et a gardé toute sa vie un corps mince et
de très petite taille. Son mariage a abouti à un divorce 15 ans plus
tard, son ex femme a déclaré que le mariage n'avait jamais été
consommé.
Il serait asexuel et cette particularité
évoque quand même un pas de côté par rapport au passage à l'âge adulte.
( Je dis ça sans aucun jugement hein...)
Encore une fois,
au risque de jouer à la psychologue débutante, on peut se demander si
un traumatisme, comme la mort de son frère, peut avoir une incidence si
forte sur le psychisme au point d'avoir des conséquences physiques. À
savoir, la très petite taille (qui n'a rien de génétique) et l'absence
de sexualité. Comme s'il s'était refusé le droit de grandir plus que son
frère mort juste avant la puberté.
Aïe aïe aïe je sens que je m'emballe un peu avec mes élucubrations...
Quoi
qu'il en soit, j'aime cet auteur autant pour son regard juste et
fascinant sur l'enfance que pour ses sarcasmes plein d'humour sur les
adultes.
C'est un grand observateur. Peter Pan, les enfants perdus et leurs aventures sont nés de son observation des enfants Davies.
Qui
sont les enfants des Davies ?
Trois jeunes garçons, Georges, Jack et Peter, et le petit dernier, encore bébé, Michael. Tous frères.
Barrie
n'a pas d'enfant. Lorsqu'il les rencontre dans le parc de Kensington (Londres),
il se lie rapidement d'amitié avec eux. Il accompagne leurs jeux,
aiguille le fil de leurs aventures imaginaires, tout en se nourrissant
de leurs trouvailles, de leurs improvisations sans limite. Les prénoms
des enfants vous disent quelque chose ? Ils ont tous été attribués à un
personnage de l'histoire de Peter Pan.Trois jeunes garçons, Georges, Jack et Peter, et le petit dernier, encore bébé, Michael. Tous frères.
De ces jeux nait un petit livre, écrit en 1901 de la main de Barrie et illustré par les photographies prises pendant les jeux, The Boy Castaways.
Il fabrique ce livre en seulement deux exemplaires, un pour lui, l'autre pour l'ainé des enfants, Georges.
On
peut voir déjà des éléments qui façonnent les aventures de Peter Pan.
Les spécialistes qui connaissaient ces photos pourront s'amuser à
repérer les éléments que j'ai repris dans certaines de mes illustrations
pour l'album. Je voulais faire un clin d’œil à ces photographies de
l'auteur, à la genèse de l'univers qui prend naissance dans des jeux
improvisés.
On a déjà des garçons prêts à en découdre :
Une forêt, une île :
Les bêtes sauvages qui y vivent (le masque du Tigre est porté par
Portos, le chien terre-neuve de J.M. Barrie. Ce même chien qui a inspiré
le personnage de Nana, la nounou des enfants Darling) :
La chasse, les combats :
La fabrication d'une cabane :
Et bien sur, LES PIRATES, qu'on pend haut et court :
Un GRAND merci à Céline-Albin Faivre, qui, en plus de nous offrir
de très belles traductions de nombreuses œuvres de Barrie -jusqu'alors
inconnues du public français- tient un site très complet sur l'auteur.
J'ai pu y trouver toutes les photographies de The Boy Castaways , qui m'ont permises de revenir aux sources, et de rendre hommage à mon tour aux enfants Davies.
Voici son site : http://www.sirjmbarrie.com/
J'ai loin d'avoir fini mon blabla de fascination sur cette histoire mythique et son contexte.
Il me reste à vous parler des autres inspirations de l'auteur, les îles des mers du sud, les pirates, l’Écosse, le roman Le Petit oiseau blanc...
J'en garde un peu pour plus tard...
Bonne soirée chez vous !
Quel projet et quel enthousiasme pour ce texte et son histoire ! Belles illustrations ! Bravo pour la tenacité.
RépondreSupprimerTes crayonnés sont magnifiques !
RépondreSupprimerCeux de Tangapico également.
Tes crayonnés sont magnifiques !
RépondreSupprimerCeux de Tangapico également.
Merci beaucoup à vous deux !!!
RépondreSupprimer