mercredi 4 novembre 2015

Peter Pan en librairie







Peter Pan sort aujourd'hui en librairie.
Pour l'instant ce n'est pas la bonne couverture qui circule sur le net, et l'ouvrage est inscrit comme étant un collectif sans nom d'auteur précisé... Mais il s'agit bien de mon Peter Pan adapté par Maxime Rovère chez Milan.







"Pendant ce temps, dans l’île, 
les garçons perdus cherchaient Peter, 
les pirates cherchaient les garçons perdus, 
les Indiens cherchaient les pirates, 
et les bêtes sauvages cherchaient les Indiens. 
Ils tournaient tous en rond, mais ils ne se rencontraient jamais, car tous allaient 
au même rythme.
Faisons comme si nous étions allongés 

parmi les cannes à sucre, et regardons-les se
faufiler à la queue leu-leu. Voici les garçons perdus qui arrivent. Ils portent sur le dos la peau des ours qu’ils ont tués eux-mêmes – c’est pourquoi ils sont si ronds et si douillets que lorsqu’ils tombent, 

ils roulent."























Je travaillais pour ce livre sur une version du texte adaptée, raccourcie. Même si l'auteur a su garder l’essentiel dans cette nouvelle version, je suis allée rechercher toutes les petites indications, les informations et descriptions qui tombaient à la trappe. Pour que ces détails ne disparaissent pas complètement de l’ouvrage, j'ai amené par le dessin des informations qui n'étaient plus mentionnées à l'écrit.

Par exemple pour le passage ci-dessus, lorsqu'on découvre les habitants qui peuplent l'île du Jamais, le texte original (de la pièce de théâtre) disait que les pirates avançaient dans "la rivière prise par les glaces". La description des pirates était aussi plus longue et plus détaillée (dans le roman cette fois), j'ai essayé de replacer le maximum de ces détails savoureux concernant l'allure des brigands...

Dans la pièce de théâtre, on trouve cette note :
"Vers les arbres et le lagon, c'est l'été. Mais c'est l'hiver vers la rivière. Ce qui n'a rien d'extraordinaire, étant donné que sur l'île de Peter, on voit défiler les quatre saisons le temps de tirer un seau du puits."

Ce n'est pas mentionné dans le roman, mais comme j'aime beaucoup cette idée, j'ai joué avec les saisons, qui ne sont plus liées au temps qui passe mais aux lieux. Comme dans l'image ci-dessus et tout au long du livre.

J'aime cette idée parce qu'elle s'inspire réellement des micro-climats qui sont chose courante dans les îles. Si en Europe on associe la pluie, le chaud, le froid aux saisons, dans les îles tropicales le temps dépend plus souvent de l'endroit où on se trouve. Sur l'île de la Réunion ou à Madagascar par exemple, le temps est radicalement différent entre la côte orientale pluvieuse et humide et la côte occidentale sèche. Alors que la superficie de la Réunion n'est pas si grande, on trouvera simultanément sur le territoire un climat tropical chaud et humide avec des jungles denses, un beau temps dégagé sec et chaud ailleurs, un climat de haute montagne sur le Piton des neiges, des plaines fraîches parsemées de sapins qui m'ont fait penser aux Alpes... Je pense que J.M. Barrie s'est inspiré des nombreux récits de navigateurs qui décrivaient les îles des mers du sud pour cette description fantasque du temps. J'aime bien lorsqu'on réalise que des choses qui paraissent complètement fantastiques dans une fiction sont inspirées par une réalité toute aussi poétique dans un endroit de notre planète.

Je me suis beaucoup inspirée de la faune et la flore qu'on trouve exclusivement sur des îles.
Le contexte de l'île est fascinant, parce que le cadre isolé permet aux espèces végétales et animales de se développer de manière indépendante dans des directions surprenantes. Pour faire simple, on trouve beaucoup d'espèces endémiques surprenantes dans des îles.

À Madagascar, par exemple, il y a un oiseau qui se nomme " Eurycère de prévost " et que je trouve magnifique. Le bleu de son bec est fascinant. Le voici :





J'ai décidé de l'accueillir sur l'île de Peter...


















Un autre oiseau complètement incroyable de Madagascar, dont l'espèce s'est hélas éteinte vers 1500 :
l'oiseau-éléphant.
Il s'agit de l'oiseau le plus lourd qui n'ait jamais existé, une demi-tonne !
Un seul de leurs œufs nourrissait une famille entière...


Si vous voulez en savoir plus sur cet étrange spécimen, je vous recommande le documentaire où David Attenborough le présente. "Attenborough and the Giant Egg".


J'avais forcement envie de l'inviter sur l'île du Jamais, puisqu'il n'existe plus à Madagascar...
Peter l'aime bien, mais il se révèle un peu encombrant lorsqu'il y a une maison à construire pour Wendy...










Concernant la forme des reliefs de l'île, cette fois je ne me suis inspirée ni de la Réunion ni de Madagascar, mais de l'une des îles Samoa.



























Cette fois, ce choix n'est pas pris au hasard...
Pourquoi les îles Samoa ? Pour l'expliquer, je dois remonter à la jeunesse de James Matthew Barrie.
Enfant, l'auteur a pris goût aux histoires avec les lectures de sa mère, avec qui il entretient une relation très étroite ( il lui a même consacré un livre, Margaret Ogilvy). Elle lui fait découvrir des histoires d'aventures comme Robinson Crusoë de Daniel Defoë, mais aussi et surtout les romans de son auteur préféré, écossais lui aussi : Robert Louis Stevenson.
On peut voir de manière évidente l'influence de R.L. Stevenson sur l'univers de Peter Pan, avec la présence de l'île et bien sûr des Pirates !







J'avais dit, en parlant de Peter Pan, qu'il était impressionnant de voir qu'un tel personnage mythique soit né de l'imagination d'un seul homme, Barrie. On peut dire la même chose concernant le génie de Stevenson. Si les pirates existent bel et bien, c'est ce dernier qui crée de toute pièce l'image symbolique qu'on en a, avec une jambe de bois et le perroquet sur l'épaule. Le principe même du trésor enterré, de l'île qui le cache, et de la carte au trésor pour le retrouver, tout est inventé par Stevenson dans son roman  L'île au trésor et ce seul texte nous a donné l'archétype du pirate tel qu'on l'imagine. Hé non, les pirates n'enterraient pas leur trésor... Ils le dépensaient rapidement en boissons et prostituées sur l'île d'Hispaniola, pour parler de ceux des Caraïbes ( c'est surtout ces pirates qui ont inspiré L'île au Trésor et Peter Pan). Stevenson s'est lui même inspiré de ces lectures d'enfant, d'auteurs de récits d'aventures en mer, comme Washington Irving, James Fenimore Cooper, Daniel Defoë, Tobias George Smollett. À une époque où pourtant ce genre de récits d'aventures n'est plus du tout à la mode.

Intéressant de voir comme deux Écossais, nés dans un cadre nordique, froid et pluvieux, arrivent à faire passer dans leur texte l'attrait des îles tropicales, du grand large... C'est beau quand le manque et le désir d'évasion créent les récits les plus fabuleux.

Les romans de Stevenson influencent donc profondément Barrie. Et ce qui est beau dans cette histoire, c'est que Stevenson a lu et adoré Peter Pan, et a écrit à Barrie pour le lui dire.
Dans sa lettre, Stevenson invite Barrie a lui rendre visite dans son refuge, l'île Vailima, l'une des îles Samoa. Pour lui donner l'adresse, il indique l'île ainsi : « Vous prenez le bateau à San Francisco, après cela, le premier tournant à gauche… »
 Sachant que l'île se situe à l'autre bout du pacifique, un peu plus au sud... Cette formule est très proche de celle qu'utilise Peter pour donner l'adresse de l'île du Jamais : " La deuxième à droite, puis tout droit jusqu'à l'aube."


Bref, j'ai voulu faire l'île du Jamais à l'image d'une île des Samoa pour rappeler la référence à Stevenson. J'ai aussi dessiné les sirènes du lagon à l'image des habitantes des îles Samoa, photographiées la même année que la naissance de Peter Pan : 1904.




Pour la lagune, je me suis inspirée de celles de la Nouvelle Calédonie, par pure chauvinisme. Une amie de là-bas m'a gentiment envoyé les photos de ses lagunes préférés. Merci Julie !


Et pour finir je voudrais vous parler d'un roman et d'un film, qui ont pour point commun de se situer sur les îles des mers du sud ( ancienne appellation du pacifique, ancien terme tellement chargé en rêves d'aventures !) Pour rester dans l'ambiance et prolonger le plaisir de l'exotisme...


Le livre : " Contes des mers du Sud " de Jack London ( 1911)
On connait cet auteur génialissime pour ses textes qui décrivent la vie dans le grand nord américain, mais il a écrit aussi plusieurs histoires qui ont pour cadre les îles du pacifique. Plusieurs nouvelles, toutes mieux les unes que les autres sont réunies sous ce titre.














Le film : " Tabu " de Murnau (1931)
Contrairement à l'approche plus réaliste de Jack London, le film démarre avec l'image complètement idéalisée de la vie dans les îles vue par les occidentaux. Mais j'aime aussi cette esthétique fantasmée, ces fictions faites pour offrir des rêves d'exotismes... Le film a quand même été tourné sur place avec des locaux, sur une idée originale de Robert Flaherty, l'un des premiers réalisateurs de documentaire, qui a tourné "Nanouk l'Esquimau" ( à voir aussi ! :-)   

Tabu se trouve sur internet en bonne qualité, même en streaming :
et c'est légal il me semble, puisque Murnau est mort juste avant la sortie du film, il y a 84 ans.
Par ici : https://vimeo.com/15529597








  

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire