Aujourd'hui sort en librairie l'album
Le Lance-Pierres de Porto-Novo,
écrit par Florent Couao-Zotti, aux éditions Sarbacane !
Pour le trouver près de chez vous, c'est par ici (clic) : Place des libraires.
Contrairement à ce qui est annoncé sur le net, cet album est selon moi plutôt adapté pour des lecteurs de 7 à 14 ans (et + + bien sûr, comme tous les livres jeunesse avec des bons textes).
J'ai déjà longuement expliqué dans mon dernier article comment ce projet a vu le jour et pourquoi il me tenait tant à cœur, mais j'ai encore plein de choses à raconter !
En recherchant un auteur pour pouvoir illustrer une histoire made in Bénin, j'ai mis le nez dans la littérature francophone d'Afrique.
La chance a voulu qu'à la même période, l'auteur Alain Mabanckou était invité à donner des cours au Collège de France ayant pour sujet : Lettres noires : des ténèbres à la lumière.
Il y a du chemin pour rattraper mes (nos?) ignorances en littérature africaine. Ces leçons sont la plus belle invitation à découvrir ses auteurs.
MERCI internet, parfois tu es merveilleux : toutes les leçons sont disponibles gratuitement ici : Lettres noires : des ténèbres à la lumière
Plus de 15 heures de cours sur la littérature d'Afrique noire, il y a de quoi faire n'est-ce pas ?
La voix d'Alain Mabanckou accompagnait à merveille les longues heures de peinture pour illustrer Le Lance-pierres de Porto-Novo.
De mes lectures, je ne vais parler que de Peau Noire Masques Blancs de Frantz Fanon, car, alors que ce n'était pas un thème que je m'attendais spécialement à trouver dans cet ouvrage, l'auteur aborde un sujet qui m'est cher : la littérature jeunesse.
Aux Antilles, le psychiatre observe comme les jeunes enfants (noir et métis) s'identifient aux héros blancs de leurs bande-dessinées, alors même que ces derniers massacrent des populations de "méchants sauvages noirs et sanguinaires" dans l'histoire. Les conséquences psychologiques de telles identifications aux héros y sont bien analysées.
Si la littérature jeunesse a (heureusement !) bien évolué depuis, il reste encore un grand questionnement sur la diversité dans la représentation des héros.
Au Bénin, j'ai été dans quelques bibliothèques dans des écoles primaires. Les budgets étant serrés, les livres qu'on y trouve sont quasiment tous des dons de livres défraichis venus de France.
Même s'il y a des livres pour enfants créés au Bénin par des Béninois, ils sont peu nombreux, et ont surtout un but pédagogique, préventif.
Le jeune écolier béninois qui veut lire de la fiction aura donc un choix avec 90% de héros blancs, vivant dans un univers qui ne ressemble en rien à son quotidien.
Je ne veux critiquer d'aucune façon les supers associations qui font parvenir des livres jeunesse et scolaires en Afrique francophone, mais on peut tout de même s'interroger sur les conséquences psychologiques de cet accès à la lecture.
Il y a beaucoup de bons dessinateurs au Bénin, j'espère que l'offre en fiction jeunesse va bientôt s'étoffer sans avoir à passer par les éditions françaises.
Pour revenir à la France, nous avons la chance d'avoir de très chouettes albums jeunesse en rapport avec l'Afrique de l'Ouest, avec des auteurs et illustrateurs d'origine africaine ou française. Il serait trop long de vous donner tous mes coups de cœur...
Il y a une grosse majorité de contes, par rapport aux fictions contemporaines. J'adore les contes, et c'est bien entendu génial de faire connaitre au plus grand nombre les merveilleux contes du répertoire africain. Mais, mais... je déplore qu'il n'y ait que trop peu de récits modernes et contemporains avec pour cadre le sol africain. Un enfant français qui découvrirait ce continent exclusivement par le conte, n'aurait qu'une vision passée, figée dans un très flou "il était une fois" où il n'y avait que des habitations en terre et la savane à perte de vue...
Ces craintes se sont confirmées alors que je faisais une rencontre scolaire dans une classe de primaire. Je parlais de mon projet d'album, et disais que j'avais beaucoup de plaisir à peindre les habits colorés des personnages, parce que les béninois sont super bien sapés.
"Quoi ? s'étonne un élève, ils ne sont pas tout nus, les enfants africains ?" Je demande pourquoi il pense ça, il répond : "Kirikou est tout nu !"
J'adore Kirikou, mais ...
Une autre fois, toujours dans une classe, alors que je montre les premières images du livre, j'entends "Oh ! Mais ils ont aussi des téléphones portables en Afrique ?!"
(je ne me moque pas de ces jeunes enfants, mais ça en dit long sur la représentation de l'Afrique aux plus jeunes)
Bref, de quoi me remotiver à fond pour travailler sur cet album. Toute petite contribution certes, mais petit à petit...
Petite parenthèse cinéma :
En lisant les chroniques culturelles de Florent Couao-Zotti, j'ai découvert trois réalisateurs d'Afrique de l'Ouest : grand bien m'en fasse.
(hé oui, les ténèbres -comme dit Mr Mabanckou- pour moi n'étaient pas que sur la littérature, mais aussi sur le cinéma...)
Si vous n'avez pas encore vu leurs films, foncez :
Djibril Diop Mambéty, réalisateur sénégalais
(Hyènes est mon préféré, mais tous ses films sont à voir)
Souleymane Cissé, réalisateur malien
(Son film Yeelen est BEAU)
Idrissa Ouedraogo, réalisateur burkinabè.
Comme Florent Couao-Zotti l'écrit, certains films de ces réalisateurs ne sont pas 'juste' des bons films d'Afrique de l'Ouest: ils sont des chefs d’œuvres du cinéma mondial.
Oula je suis bavarde...
Je vous laisse pour cette fois-ci.
À bientôt pour.... UN FILM !
On est sur le montage, on a hâte de vous montrer ça...
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